La méthode Raum+

 L’utilisation du sol doit être mesurée. Cette injonction, ancrée dans la Constitution fédérale (art. 75) et dans la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (art. 1 LAT), est restée largement lettre morte. Elle est pourtant la condition d’un développement territorial durable. Au lieu de cela, la surface bâtie croît à un rythme plus rapide que la population. La stratégie « développement à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur du bâti » vise à enrayer l’étalement de la surface bâtie en encourageant le développement des constructions dans le tissu bâti existant et non pas au milieu des champs. Pour cela, il faut recenser et mobiliser les réserves dans les territoires déjà largement bâtis, comme le demande, depuis longtemps au demeurant, l’Ordonnance sur l’aménagement du territoire (art. 31 et 47 OAT). Pour aider les collectivités publiques à accomplir cette tâche, l’EPFZ a mis au point, dans le cadre de son projet Raum+, un outil efficace et technologiquement au point. Le recours à cet instrument est par conséquent soutenu par l’Office fédéral du développement territorial (ARE).

Application jusqu’à ce jour

Les premières expériences en la matière remontent à une dizaine d’années déjà. Des projets Raum+ ont été réalisés dans les cantons de Bâle-Campagne, Schwytz, Uri, St. Gall, des Grisons, du Valais et du Tessin. En 2011, le Land allemand de Rhénanie-Palatinat (plus de 3 millions d’habitants) a été entièrement analysé avec Raum+ (voir  ci-dessous).

Si l’on veut encourager les constructions à l’intérieur du tissu bâti de manière systématique, il est nécessaire de disposer d’une carte synoptique des potentiels de densification existants. Ces potentiels doivent être exploités à un coût raisonnable et être acceptés par tous les acteurs.

Raum+ offre une plate-forme internet qui permet de saisir et d’actualiser les potentiels de densification de façon décentralisée. Encadrée scientifiquement, la procédure est axée sur le dialogue et la coopération entre les représentants des communes et des cantons. Elle garantit l’adhésion de toutes les parties et la prise en compte de toutes les informations sur les surfaces à bâtir considérées. La carte synoptique qui est ainsi élaborée et vérifiée par les différents acteurs offre une vue d’ensemble supracommunale uniforme de la situation et fournit au canton et aux communes une base pour définir les priorités d’action assurant un développement régional coordonné des constructions à l’intérieur du tissu bâti et pour en garantir l’exécution de manière systématique.

Raum+ : le processus de travail

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Coopération et dialogue                     

  • connaissances détaillées du terrain par les acteurs locaux
  • entrée en matière thématique pour les représentants communaux
  • possibilité d'échanges entres canton et communes en dehors des rencontres formelles

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Décentralisation et actualisation     

  • accès aux données en tout temps et en tout lieu
  • valeur ajoutée pour les communes
  • possibilité de mise à jour

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Carte synoptique et état des lieux 

  • analyse uniforme des données comparables au niveau communal
  • possibilité de développer une stratégie différenciée adaptée à la situation
  • distribution spatiale

Déroulement

 L’élaboration de la carte synoptique avec la méthode Raum+ s’effectue en trois étapes:

  1. La phase de préparation vise à déterminer, sur un support informatique, les potentiels de densification sur la base des données disponibles. Elle est aussi appelée saisie top down. Les données utilisées sont par exemple des données officielles de cadastre, des plans de zones numériques, etc. Le résultat est contrôlé manuellement à l’aide d’orthophotos. Les potentiels de densification existants, différenciés selon les catégories de surfaces, sont représentés sur une carte et munis d’attributs (caractéristiques).
  2. La deuxième étape est consacrée aux entretiens dans les communes. Ces entretiens servent à vérifier et à rendre plausibles les potentiels de densification représentés à partir des connaissances de terrain. C’est la phase dite bottom up. Chaque potentiel à bâtir indiqué sur la carte est discuté avant d’être rejeté ou muni de caractéristiques qualitatives additionnelles (p.ex. disponibilité dans le temps). Les potentiels de densification qui n’avaient pas encore été identifiés sur des territoires déjà construits mais sous-utilisés (espaces vierges, friches industrielles) sont ajoutés. Lors de ces entretiens, de nombreuses communes constatent souvent qu’elles disposent d’un potentiel de densification plus grand que ce qu’elles supposaient jusqu’alors.
  3. Le contrôle de la qualité a lieu durant le traitement ex post. La carte synoptique des réserves intérieures est alors disponible pour l’évaluation de la situation et les analyses.

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Exemple de visualisation supracommunale en 3D (Source: Raum+ canton de Schwytz)

Les catégories de surfaces

Les potentiels de densification recensés avec Raum+ sont tous situés à l’intérieur des zones à bâtir en vigueur. Ils sont répartis entre quatre catégories :

  • potentiels de développement intérieur: surfaces de plus de 2000 m2 à l’intérieur du tissu bâti, construites ou non construites ;
  • espaces vierges : parcelles prêtes à être construites d’une surface comprise entre 200 et 2000 m2, à l’intérieur ou à l’extérieur du tissu bâti ;
  • réserves extérieures : surfaces de plus de 2000 m2 hors du tissu bâti mais en zone à bâtir, non construites ;
  • potentiels de densification et réserves de surfaces de plancher : quartiers et terrains où le taux moyen d’utilisation est inférieur à 50 %.

Résultats

Le processus itératif aboutit à une vue d’ensemble de la distribution spatiale des potentiels de densification, de leur étendue et de leurs caractéristiques. Il est ainsi possible de procéder à une première évaluation générale de la situation. Une analyse plus approfondie incluant des données supplémentaires (par exemple les équipements ou la qualité environnementale) permet de choisir les stratégies et les mesures à appliquer pour mobiliser les potentiels de densification. Il faut toutefois aussi s’attendre à rencontrer des obstacles durant cette opération, le premier étant le désintérêt de certains propriétaires. L’expérience montre en outre que les analyses de Raum+ doivent toujours tenir compte des autres activités ayant une incidence territoriale. Une visualisation supracommunale en trois dimensions des potentiels de densification fournit une contribution précieuse pour diffuser les réflexions sur l’aménagement du territoire dans la politique et la population. Pour terminer, les résultats et les analyses sont publiés dans un rapport standardisé.

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Exemple de fiche synoptique des potentiels de densification (Source: Raum+ agglomération de Coire, GR)

Perspectives

Les différents projets menés montrent que Raum+ est un instrument utilisable en pratique et mûr techniquement. Si l’on veut rendre le développement territorial plus durable en Suisse, il est toutefois insuffisant que seuls quelques cantons disposent des informations nécessaires pour assurer un développement systématique des constructions à l’intérieur du tissu bâti. C’est pourquoi la Confédération et l’EPFZ souhaitent étendre l’application de Raum+, en particulier en Suisse romande. La Confédération veille à ce que Raum+ soit compatible avec les prescriptions fédérales sur l’urbanisation, le dimensionnement des zones à bâtir et les modèles de géodonnées  

Le projet « Raum+ Oberes Goms »

Damian Jerjen, Chef du service du développement territorial

Le projet « Raum+ Oberes Goms » poursuivait essentiellement deux objectifs. Le premier était d'offrir, pour la première fois, une carte synoptique intégrée et un état des lieux des principales activités, actuelles et futures, ayant une incidence territoriale sur la base des potentiels de densification, qui faisaient eux-mêmes l’objet d’un relevé inédit. Cet état des lieux crée la base matérielle nécessaire à la stratégie de développement territorial qui est élaborée conjointement avant d’être transposée dans un plan régional et un plan de zones. Une optique communale, en effet, ne permet plus de planifier le développement territorial souhaité. Le second objectif était de permettre au canton du Valais, dans le cadre de ce projet pilote, de vérifier si la méthode Raum+ peut être étendue à tout le canton et si elle déploie les effets escomptés pour assurer un développement durable de la surface bâtie et des infrastructures.

Raum+ encourage la coopération intercommunale

Le projet « Raum+ Oberes Goms » a valeur de projet pilote pour le canton du Valais. Il est soutenu par le Service du développement territorial et par la société anonyme RWO Regions- und Wirtschaftszentrum Oberwallis AG, car le développement territorial est du ressort à la fois des communes, des cantons et de la Confédération. Un des principes importants du projet est de favoriser un développement des constructions à l’intérieur du tissu bâti. Pour garantir une application cohérente de ce principe, il est utile de pouvoir s’appuyer sur une méthode telle que celle qui est utilisée dans le projet Raum+. Le projet encourage également la coopération entre les six communes de la haute vallée de Conches (Obergoms, Niederwald, Blitzingen, Grafschaft, Reckingen-Gluringen et Münster-Geschinen) dans le domaine du développement territorial en vue de la fusion visée à moyen terme de ces communes.

Parallèlement au projet « Raum+ Oberes Goms », le Service valaisan du développement territorial a commandé une étude sur les réserves de zones à bâtir dans tout le canton. Raum+ représente un complément intéressant à cet égard, car cette méthode permet de relever les potentiels de densification non seulement géographiquement et quantitativement, mais aussi dans une optique de résolution des problèmes. Elle livre ainsi des informations qualitatives supplémentaires importantes sur les différents potentiels de densification.

Les participants au projet « Raum+ Oberes Goms » ont donc, dans une première étape, élaboré une carte synoptique des potentiels de densification pour encourager le développement des constructions dans le tissu bâti. En complément du relevé sur les réserves à bâtir, ils ont répertorié les autres activités et conflits ayant une incidence territoriale dans les domaines de l’urbanisation, du paysage, des transports et des dangers naturels. A l’aide d’une plate-forme mise en place sur internet, des entretiens ont été menés sur place dans les six communes de la haute vallée de Conches à des fins d’uniformisation. La carte synoptique et l’état des lieux qui en résultent peuvent servir de base à d’autres planifications. L’élaboration d’une stratégie intercommunale de développement territorial, qu’il est prévu de transposer dans un plan régional et un plan de zones communs, est par exemple envisagée.

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Le village de Niederwald, dans le district de Conches (Photo Egon Schmidt)

Les résultats de l’analyse

Dans l’ensemble, plus de 300 potentiels de densification, pour une surface totale de près de 1 000 ha, ont été dénombrés dans les six communes. Cela correspond à environ 50 % de la zone à bâtir existante et à une surface de près de 330 m2 par habitant et personne occupée. Environ 11 ha (12 %) sont des potentiels de développement intérieur, c’est-à-dire des surfaces de plus de 2 000 m2 qui se trouvent sur des territoires déjà bâtis. La part des réserves sous forme d’espaces vierges classiques non construits se situe dans le même ordre de grandeur. Avec près de 70 ha (75 %), les réserves extérieures, c’est-à-dire les surfaces à l’extérieur des territoires déjà largement bâtis, se taillent la part du lion. Les informations recueillies permettent de connaître également l’utilisation, l’état de planification, les rapports de propriété, la disponibilité dans le temps et les raisons qui pourraient empêcher la mobilisation des potentiels de densification. Les résultats montrent par exemple que par rapport à la surface totale, 50 % environ de tous les potentiels ne sont pas considérés comme bloqués et qu’ils pourraient, en l’état actuel des connaissances et si la demande existe, être exploités sans difficultés majeures.

Une stratégie régionale commune de développement

Après l’analyse des potentiels de densification, un nouvel entretien a eu lieu sur place avec les communes. Durant celui-ci, les résultats intermédiaires ont été consolidés et les autorités locales ont été interrogées sur les thèmes ayant une incidence spatiale. Cette deuxième phase d’information a par exemple révélé qu’en ce qui concerne les infrastructures et la desserte de base, aucune mesure urgente ne s’avère nécessaire. Aucun conflit spatial aigu n’a été identifié. D’autres domaines soulèvent toutefois des problèmes, tels que l’évolution démographique ou la pénurie de spécialistes. Il est aussi apparu que les défis auxquels sont confrontées les six communes de la haute vallée de Conches ne se limitent pas seulement à l’aménagement du territoire et que les différentes communes sont trop petites pour relever ces défis à elles seules. Il est dès lors particulièrement important de développer des stratégies intégrées pour surmonter les problèmes existants. Elles devraient se baser sur une perspective commune du développement territorial pour la haute vallée de Conches et intégrer les différents champs d’action et les différents problèmes à résoudre.

Révision totale du plan directeur cantonal en cours

L’analyse cantonale des zones à bâtir sera terminée en 2012. La méthode Raum+ sera ensuite proposée aux communes comme un instrument possible. Le projet «Oberes Goms» et l’analyse des zones à bâtir livrent des données importantes sur la surface bâtie pour la révision totale du plan directeur cantonal et l’observation du territoire. La révision du plan directeur s’effectue dans le cadre du réexamen en cours du développement territorial. Elle a pour but de compléter le plan directeur cantonal par un concept cantonal de développement territorial. Le projet devrait s’achever en 2015.

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