Densité, densification et qualité urbaine

Notion polysémique la densité est, tout d’abord, un rapport entre une quantité (surface de plancher, population, emplois, etc.) et une surface (zones à bâtir réalisées, zones à bâtir légalisées, surface administrative d’une commune, etc.). Il y a autant de manières d’évaluer la densité que de manières de la calculer. Le rapport entre la surface brute de plancher et la surface (nette ou brute) d’un terrain ou d’un périmètre construit est une des manières de mesurer la densité. On parle alors de densité résidentielle ou densité bâtie. Elle se mesure par un indice d’utilisation du sol. Cet indice ne doit pas être confondu avec le taux ou coefficient d’occupation du sol aussi appelé parfois coefficient d’emprise. Il faut aussi distinguer la notion de densité et de compacité. Celle-ci mesure le rapport entre un volume d’une forme et la surface de l’enveloppe constitué par ses différentes parois.

Une «densité» identique peut se traduire par des emprises au sol différentes, des morphologies diverses et des compacités variables. Nous savons que l’habitat collectif peut être aussi gourmand en sol que l’habitat individuel. La ville dense n’a qu’un rapport indirect avec la hauteur des bâtiments. Ainsi, le choix de morphologie n’est pas un choix de densité. Néanmoins différents types de tissus urbains (pavillonnaire, grands ensembles, haussmannien, habitat groupé de ville, etc.) peuvent être associés à différents degrés de densité bâtie. Nous savons aussi que la densité perçue est parfois bien différente de la densité réelle. Plusieurs facteurs peuvent influencer notre perception : la topographie et la végétation environnantes, la diversité et mixité des typologies, la trame de l’espace public, etc. Enfin, il est possible d’établir un lien systémique entre densité, compacité des formes urbaines et impact environnemental (consommation de sol, d’énergie, de matière, etc.). La densité est aussi indispensable à l’économie des infrastructures urbaines tant au niveau des coûts d’investissement que des coûts de fonctionnement. Dès lors, il n’est pas étonnant que l’exigence de regroupement du bâti figure en toutes lettres comme un des objectifs majeur de la loi sur l’aménagement du territoire.

La densification est une augmentation des densités existantes. Elle peut être réalisée par différents moyens (rénovation, requalification, extension, surélévation, rajout d’une aile, etc.) qui restent toujours controversés. Quoi qu’il en soit, la densification n’est pas un but en soi. Elle n’est qu’un des leviers de la qualité urbaine. De fait, la densification ne dit encore rien sur la qualité de la ville à aménager. Elle ne dit rien sur l’organisation de l’espace urbain, la « mise en espace des équipements », l’organisation des « charges spatiales », la qualité de la composition urbaine,  la qualité du rapport entre les pleins et les « vides », la diversité morphologique et fonctionnelle, les typologies du bâti, l’accessibilité aux aménités, etc. La qualité de la densification doit être assurée parallèlement à l’aspect quantitatif.

Une bonne adéquation entre la densité bâtie, la qualité des espaces publics et des formes urbaines est indispensable à la réussite d’un projet, de même que le respect d’un équilibre entre habitat, activités et services. On ne peut pas remplir la ville comme un œuf. L’impératif écologique, l’exigence d’accès immédiat aux équipements, la réduction des coûts de l’urbanisation peuvent être harmonisés avec les aspirations à une plus grande disponibilité d’espaces « ouverts » de qualité. Une « densification qualifiée » doit être contextualisée, dimensionnée, différenciée et coordonnée. De fait, les enjeux de la densification qualifiée articulent une pluralité d’actions et d’acteurs à différentes échelles d’aménagement.

A l’échelle de l’agglomération, les densifications doivent être coordonnées avec les transports publics et permettre d’améliorer la polycentralité du territoire urbain. A des échelles plus fines, la compacité des formes bâties doit justement  permettre la lacunarité, l’aération et la perméabilité des tissus, la présence apaisante de l’eau et de la végétation. La densification sera ainsi accompagnée par une offre d’espaces publics généreux et d’équipements de proximité de qualité assurant la compatibilité des usages (jeunes, moins jeunes, femmes, etc.) et la mise en cohérence des espaces sociaux, du logement à la rue, de la rue au quartier, du quartier à la ville. Enfin, la densification est à concerter de manière globale : propriétaires, pouvoirs publics, population doivent intervenir dans le processus selon des procédures adéquates.

La qualité des densifications dépend souvent d’un portage politique fort, d’une concertation bien organisée et d’une maîtrise foncière sereine. La densification produit de la valeur économique. Une densification soutenue et acceptable créée aussi de la valeur d’usage. C’est le miracle de la qualité urbaine. Il procède du savoir-faire de concepteurs avisés, mais aussi de l’écoute attentive de l’ensemble des acteurs de la ville. Dans l’imaginaire de la durabilité urbaine, la densification a aujourd’hui partie liée avec la maîtrise de l’empreinte écologique, le vivre ensemble et la qualité de la ville.

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