Densité vécue

Les habitants ont un rapport différent à la densité selon qu’elle appartient ou non à leur vécu, positif ou négatif. La perception de la densité est étroitement liée à l’expérience que le sujet a de la densité. Celui qui aura passé son enfance dans une ville dense aura probablement un seuil de tolérance plus élevé à l’égard de la densité que celui qui aura vécu une enfance à la campagne. De même, celui qui a l’expérience de vastes pièces avec de grandes hauteurs sous-plafond appréciera plus aisément les fortes densités urbaines qui lui mettent à portée de main une grande diversité d’équipements et d’activités, que celui qui est à l’étroit dans un appartement de petite dimension.

Dans le contexte de l’urbanisation mondiale et la mutation rapide des environnements - naturel et social – le savoir-vivre dans des villes denses permettant d’une part de sauvegarder les milieux naturels et d’autre part de favoriser le « vivre ensemble » devient un signe du « savoir-être urbain ». L’idéologie de la ville compacte a pris la place de la ville fonctionnelle. Ainsi au tournant du vingt et unième siècle, dans la plupart des milieux de l’urbanisme, les densités de construction et de population sont reconnues pour être une condition nécessaire à l’émergence de l’urbanité dans les aires urbaines. Là, où se trouve un grand nombre d’habitants, se trouve aussi un grand nombre d’équipements divers assurant une qualité de vie urbaine. La densité augmente d’autant les probabilités de rencontre, d’échange, de créativité.

Toutefois, le seuil de densité de population admissible pour assurer la qualité du cadre de vie  reste incertain. Le vécu dans des densités urbaines très élevées est au stade des premières analyses.

La référence principale demeure « La dimension cachée » d’Edward T. Hall où les individus observés sont des rats. En 1966, il note que la mise en place de densités plus élevées d’individus dans un espace va de pair avec des mesures rendant acceptable la proximité qui accompagne la densification. Sinon, le risque est que les individus stressés par trop de densité ne se supportent plus entre eux. Les mesures qu’il propose ont toutefois d’autres inconvénients majeurs.

« To increase density in a rat population and maintain healthy specimens, put them in boxes so that the can’t see each other, clean their cages, and give them enough to eat. You can pile the boxes up as many stories as you wish. Unfortunately, caged animals become stupid, which is a very heavy price to pay for a super filing system ! The question we must ask ourselves is, How far can we afford to travel down the road of sensory deprivation in order to file people away ? One of man’s critical needs, therefore, is for principles for designing spaces that will maintain a healthy density, a healthy interaction rate, a proper involvement, and a continuing  sense of ethnic identification. The creation of such principles will require the combined efforts of many diverse specialists all working closely together on a massive scale. » (Edward T. Hall, (1966) 1969, The Hidden Dimension, Anchor Books, New York, pp. 167-168).

Traduction : « Pour accroître la densité d’une population de rats tout en gardant les animaux en bonne condition physique, il suffit de les placer dans des boîtes séparées, de façon qu’ils ne puissent pas se voir, de nettoyer leurs cages et de leur donner suffisamment à manger. On peut empiler indéfiniment les boîtes. Malheureusement, les animaux ainsi enfermés deviennent stupides, c’est un bien lourd tribut à payer pour un système de densification. » (La Dimension cachée, Edward T. Hall.)

Les boîtes d’Edward T.Hall sont en quelque sorte les zones du zonage, quand celui-ci est exclusif, c’est-à-dire quand une affectation admise dans une zone exclue les autres affectations, à l’exception d’une ou deux. Par exemple dans une zone villa de faible densité, l’affectation résidentielle individuelle admise exclut souvent les affectations résidentielles groupées ou par étages, ainsi que toutes les affectations non compatibles avec le logement. Ainsi, les commerces, l’hôtellerie, la parahôtellerie, l’artisanat, les équipements collectifs ne sont pas tolérés pour les nuisances qui peuvent résulter de leur présence.